" Ici, on ne cherche pas à comprendre, mais à obéir "
Je ne possède certainement pas encore le recul nécessaire,
ni des connaissances suffisamment approfondies du Rwanda et de son histoire
pour m’exprimer de manière totalement objective sur le climat
relationnel actuel. |
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L’importance
concédée au regard d’autrui Cependant, une fois arrivée dans la capitale, un décalage
flagrant m’est apparu : les échanges manquaient de spontanéité,
d’authenticité, de clarté et semblaient guidés
par le soucis du regard de l'autre. |
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La place de la communication
nonviolente La CNV est un processus de communication qui demande de la clarté et de la précision lorsque l'on exprime ses besoins et ses demandes. Au Rwanda, les habitudes actuelles de communication sont aux antipodes de ces principes. La population est ici soumise à des principes bien établis où la liberté d’expression est un instrument à manipuler avec précaution, si l’on veut éviter les rumeurs ravageuses, qui parfois peuvent se transformer en un ticket d’entrée pour une juridiction Gachacha. Comment concrètement la communication nonviolente peut-elle être appliquée à Nyarurema? Je suis perplexe. Afin de ne pas me lancer maladroitement dans des cours de formation, j'attends de mieux comprendre les habitudes relationnelles rwandaises et les enjeux qu’elles recèlent. D'autre part, pour que cette démarche soit efficace et constructive, l'intérêt pour la CNV devrait émaner des Rwandais eux-mêmes. |
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Réconciliation et récollection
sans réelle conviction Dans notre école, comme probablement dans la plupart des autres
institutions scolaires, cohabitent étroitement des Rwandais d’horizons
divers. Dans cet environnement hétérogène, le thème
de la réconciliation tient également le haut du pavé
lors des rassemblements. L’orateur encourage quasi systématiquement
les personnes présentes dans l’assemblée à
régler leurs différends et rétablir entre eux tolérance
et pardon. Peu de personnes s’expriment généralement
lors de ces "invitations à la paix" et celles qui le
font n'ont pas les moyens, faute d'éducation, de contribuer à
l'apaisement. Cette réconciliation morale s'avère plus fragile
et superficielle que solide et sincère. |
Parallèlement à ces appels à la réconciliation, des journées de récollection (action de se recueillir par la méditation et la prière) sont organisées pour les élèves et enseignants. Sœur Valérie, enseignante en catéchisme, est l’initiatrice des retraites spirituelles pour les étudiants de l’ETP. Seule, elle orchestra la journée de récollection accordée aux 600 élèves que compte l'école. Les enseignants ont eux aussi eu droit à leur journée de récollection, guidé par l'abbé Pascal, curé d'une paroisse voisine. Le condensé des propos tenus ce jour-là évoquèrent l'unique et célèbre "pardon chrétien envers son prochain" et la "bienveillance de rigueur". Durant les exhortations d'abbé Pascal, je fis la constatation
frappante que le comportement des enseignants était identique à
celui des élèves durant les cours : silencieux, passifs
et tête baissée, soumis au poids de la hiérarchie.
Pourtant, selon moi, se libérer d'un fardeau et parvenir au pardon
nécessite plutôt une discussion bienveillante et une prise
de conscience des éléments responsables des souffrances
respectives. Vouloir soigner des maux résultant de besoins insatisfaits
par la doctrine chrétienne me semble illusoire... Cette paix nécessiterait
d'être construite et non imposée par des principes religieux! |
Absence de réactions et de positionnement Peut-on leur en vouloir d’être circonspects au point de laisser
aller les incidents sans intervenir avec vigueur? Il faudra attendre l’arrivée
et l’implication des «Abazungu» (blancs), qui eux n’ont
rien à perdre et à craindre (ou presque…), pour que
la situation évolue. Est-ce une constante récurrente de
la coopération?
A cela, il faut ajouter que dans les zones rurales les femmes sont ici considérées d’un certain point de vue comme des kleenex : on s'en sert, puis on jette, entendez par là qu'une femme divorcée ne trouvera très probablement jamais de second mari, contrairement aux hommes qui, malgré le divorce, restent des êtres "purs" à reconquérir. Pour une femme de ce fait, changer l’ordre établi lui vaudrait de se retrouver seule, certainement sans revenus, peut-être même exclue de sa famille. Dans un tel contexte social, se rebeller et montrer son désaccord est utopique.
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Diplomatie, mesure et modération Selon l’aphorisme de Bacon "Savoir, c’est pouvoir." et Hervé Bazin ajoute "Savoir, faute de pouvoir, c’est toujours ça". A mon avis, le jeu en vaut donc la chandelle! Pour amorcer le passage d’un style de communication à un autre sans trop de heurts, leurs paroles et actions nécessiteront toutefois d’être empreintes de tact et de circonspection, faute de brusquer les codes établis. Au Rwanda, diplomatie, mesure et modération sont incontestablement promis à un brillant avenir! |
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