Je veux être un palmier!

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Par cette anecdote se déroulant au cœur du quartier ministériel de Kigali, je tire un grand coup de gueule à la logique urbanistique et policière rwandaise.

A Kacyru, dans le quartier ministériel de la capitale rwandaise, des lignées de palmiers viennent d’être plantés afin de séparer les deux axes de la route (c'est beaucoup plus classieux ainsi!). Des gardes, habillés de tenues bordeaux, surveillent les passants afin qu’ils respectent les palmiers et ne piétinent pas ces jeunes et tendres pousses qui ne demandent qu'à vivre.
A cet effet, pour rejoindre la chaussée opposée, les piétons sont priés de faire un long détour afin d'emprunter des tranchées creusées ou des sentiers signalés par des pierres posées au sol. Seuls problèmes : ces gardes, très loquaces entre eux, ne donnent aucune explication aux passants et pas la moindre trace d'un panneau signalant les changements urbanistiques en cours…

 

Un des fameux sentiers signalés par des pierres...

 

En désirant rejoindre le côté opposé de la chaussée, il ne m’est pas venu à l’esprit (logique européenne… ou presque!) de passer entre les pierres, très peu visibles d'ailleurs. En me voyant m'aventurer entres les palmiers, les gardes interrompent leurs bavardages, gesticulent et m'adressent protestations et sifflements stridents. Suite à mes haussements d’épaules et à l'expression de mon incompréhension, leurs gestes autoritaires me guident finalement vers la tranchée la plus proche.
A ce moment-là, la perplexité m’envahie.

Je suis restée plusieurs minutes au bord du trottoir opposé à observer le comportement et les réactions de la population locale. Ebahie, j’ai assisté à l’arrestation d’un passant rwandais refusant, semble-t-il, d’utiliser les tranchées d’usage. Le "rebelle" fut placé dans une fourgonnette et conduit je ne sais où. N’ayant qu’une connaissance partielle et approximative du kinyarwanda (langue locale), je me suis informée du délit commis auprès d’un badaud: "Il n’a pas respecté les ordres des soldats, il sera mis au cachot!".
Dans le quartier de Kacyru, mieux vaut être palmier qu'humain…

 

 

Isabelle Musy, piétonne occasionnelle à Kigali

 
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